Peau noire, masques blancs<\/em>, pour expliquer pourquoi l\u2019exp\u00e9rience corporelle peut devenir inhabitable, surtout lorsqu\u2019elle est travers\u00e9e par des structures telles que le racisme, le sexisme ou la colonisation : \u00ab \u00c0 travers le racisme, on fait l\u2019exp\u00e9rience que son propre corps ne nous appartient pas. On n\u2019en est pas le sujet, car il appartient \u00e0 quelqu\u2019un d\u2019autre. Il n\u2019est que race. \u00bb Yala identifie alors deux chemins : quitter son corps, ou revendiquer pleinement son existence physique.<\/p>\nDans la litt\u00e9rature, elle emprunte le premier : \u00ab Alors, on se dit : \u201cCe monde n\u2019est pas le mien. Je vais laisser ce corps ici et vivre toute ma vie comme un esprit.\u201d \u00bb C\u2019est un roman de fant\u00f4mes, de personnes r\u00eavant d\u2019un monde sans lumi\u00e8re : dans l\u2019obscurit\u00e9, il n\u2019y a ni races ni couleurs de peau.<\/p>\n
Le racisme est blanc<\/h2>\n
La philosophe r\u00e9affirme ce que d\u00e9fendait L\u00e9lia Gonzalez : \u00ab Le racisme n\u2019est pas mon probl\u00e8me, c\u2019est le v\u00f4tre \u00bb, en s\u2019adressant aux personnes blanches. \u00ab Pour moi, parler du racisme est compliqu\u00e9 : cela me rappelle tous les moments humiliants que j\u2019ai d\u00fb vivre enfant. Et je ne peux pas l\u2019accepter. Je me souviens aussi de tous ces moments o\u00f9 j\u2019ai renonc\u00e9 \u2014 et cela non plus, je ne peux l\u2019accepter. \u00bb<\/p>\n
Pour Yala, les femmes noires ont d\u00fb se d\u00e9fendre contre quelque chose qu\u2019elles n\u2019ont pas cr\u00e9\u00e9 : \u00ab Le racisme est une chose blanche. C\u2019est le fardeau des personnes blanches. \u00bb Ainsi, \u00ab tout ce que j\u2019essaie de faire, c\u2019est de ne pas \u00eatre aval\u00e9e par ce vertige racial. Nous en connaissons les paroles, le sc\u00e9nario, la musique. Et je suis fatigu\u00e9e de chanter la m\u00eame chanson. \u00bb<\/p>\n
En vivant aux \u00c9tats-Unis durant la r\u00e9cente campagne pr\u00e9sidentielle, elle a compris quelque chose d\u2019essentiel : \u00ab Certaines personnes blanches ont r\u00e9ellement compris ce que signifie le racisme. Elles ont le privil\u00e8ge \u2014 et l\u2019obligation \u2014 de lutter pour les autres. Il s\u2019agit de refuser ce qui est fantasm\u00e9 comme leur race. \u00bb<\/p>\n
Lutter contre le racisme n\u2019est ni une question de charit\u00e9, ni d\u2019offrir des opportunit\u00e9s : \u00ab Il s\u2019agit de briser le syst\u00e8me \u2014 et cela doit \u00eatre fait par celles et ceux qui en tirent avantage. Sinon, ce ne sont que des mots. \u00bb<\/p>\n
Langages multiples, identit\u00e9s hybrides<\/h2>\n
Le choix de l\u2019\u00e9merveillement et de l\u2019hybridit\u00e9 narrative chez Yala n\u2019est pas seulement esth\u00e9tique : il est politique et autobiographique. \u00ab Je ne suis pas seulement africaine, ni seulement congolaise ; je suis aussi europ\u00e9enne et fran\u00e7aise \u00bb, affirme-t-elle.<\/p>\n
Cette multiplicit\u00e9 se refl\u00e8te dans son \u00e9criture, qui m\u00eale traditions orales africaines et formes marginalis\u00e9es de la litt\u00e9rature europ\u00e9enne. Pour elle, il existe deux Europes : l\u2019Europe coloniale, \u00ab celle que nous d\u00e9testons, que l\u2019on ne peut pas sauver \u00bb, et une autre, pers\u00e9cut\u00e9e : celle des h\u00e9r\u00e9sies, des savoirs proscrits, des imaginaires bannis. \u00ab L\u2019Europe est un continent complexe. J\u2019y vois aussi des traditions fortes qui ont \u00e9t\u00e9 effac\u00e9es \u2014 des traditions moins rationnelles, plus magiques. \u00bb<\/p>\n
Son roman a \u00e9t\u00e9 bien re\u00e7u en France, malgr\u00e9 l\u2019\u00e9tonnement : le naturalisme et le r\u00e9alisme dominent la litt\u00e9rature fran\u00e7aise. Mais Yala avait besoin du merveilleux, du magique et du fantastique pour parler du racisme : \u00ab Je ne comprends pas comment on peut d\u00e9crire le racisme de mani\u00e8re rationnelle, puisqu\u2019il n\u2019est pas rationnel. \u00bb<\/p>\n
Elle illustre avec une exp\u00e9rience personnelle : \u00e0 douze ans, alors qu\u2019elle mangeait une banane, elle a \u00e9t\u00e9 insult\u00e9e : \u00ab Il y a quelque chose de d\u00e9faillant dans la t\u00eate de l\u2019autre. Je ne peux pas comprendre que quelqu\u2019un me voie comme un singe. Voil\u00e0 pourquoi je ne peux pas utiliser la raison, le r\u00e9alisme ou le naturalisme pour parler de cette absurdit\u00e9 raciste. J\u2019ai besoin de l\u2019\u00e9merveillement. \u00bb<\/p>\n
Yala affirme que le monde fa\u00e7onn\u00e9 par la race est un cauchemar magique. \u00ab Je sais exactement ce que signifie vivre dans un monde non structur\u00e9 par le racisme. Je le sais. Ce n\u2019est pas une utopie. Je le sais parce que je ne suis pas raciste. Et je ne le serai jamais. Je n\u2019ai donc pas besoin d\u2019inventer un autre mot. \u00bb<\/p>\n
France, Afrique et Br\u00e9sil<\/h2>\n
L\u2019entretien a eu lieu dans la biblioth\u00e8que baptis\u00e9e Toni Morrison \u2014 \u00e9ditrice, \u00e9crivaine, premi\u00e8re et seule femme noire \u00e0 recevoir le prix Nobel de litt\u00e9rature \u2014 \u00e0 l\u2019Espace Feminismos Plurais (EFP)<\/strong>, institut pr\u00e9sid\u00e9 par Djamila Ribeiro, qui offre formation intellectuelle et professionnelle \u00e0 des femmes noires, ainsi qu\u2019un accompagnement psychologique, juridique et odontologique.<\/p>\nCet apr\u00e8s-midi-l\u00e0, Nadia Yala Kisukidi se pr\u00e9parait \u00e0 rencontrer des lectrices du projet Movimento Autoral<\/strong>, destin\u00e9 \u00e0 donner visibilit\u00e9 aux \u0153uvres d\u2019autrices. Le projet r\u00e9unit \u00e9crivaines et lectrices dans un club de lecture et des rencontres en pr\u00e9sentiel, comme celle de ce soir. Coordonn\u00e9 par la professeure et \u00e9crivaine Maria Carolina Casati \u2014 qui a \u00e9galement anim\u00e9 la conversation \u2014 et soutenu par le consulat de France depuis le second semestre de cette ann\u00e9e, le club a choisi La Dissociation<\/em> comme livre du mois.<\/p>\nM\u00eame si c\u2019\u00e9tait la premi\u00e8re visite de Yala dans le lieu, elle et Djamila se connaissent depuis longtemps : elles ont co\u00e9crit Dialogues transatlantiques<\/em>, publi\u00e9 en France par les \u00c9ditions Anacaona en 2020. Djamila assistait \u00e0 la conversation \u00e0 distance, depuis le Massachusetts, o\u00f9 elle s\u00e9journe temporairement.<\/p>\nLa rencontre a eu lieu la veille de la Marche des Femmes Noires, \u00e0 Brasilia, dix ans apr\u00e8s la premi\u00e8re \u00e9dition. Cette ann\u00e9e, des milliers de femmes ont occup\u00e9 les rues de la capitale pour demander r\u00e9paration historique et bien vivre<\/em> \u2014 un concept qui d\u00e9passe l\u2019acc\u00e8s aux droits et vise une vie digne, libre de violences et respectueuse de l\u2019ancestralit\u00e9.<\/p>\nOrganis\u00e9e le 25 novembre, Journ\u00e9e internationale pour l\u2019\u00e9limination de la violence \u00e0 l\u2019\u00e9gard des femmes, la marche a r\u00e9uni des participantes de tout le pays et de l\u2019\u00e9tranger, rassembl\u00e9es en collectifs et mouvements sociaux qui, comme l\u2019EFP, construisent des r\u00e9seaux d\u2019accueil et de r\u00e9sistance face au racisme.<\/p>\n
\u00c0 la fin de la conversation, une femme noire du public demande la parole et avoue que le livre l\u2019a profond\u00e9ment touch\u00e9e : \u00e0 plusieurs moments de sa vie, elle avait d\u00fb cr\u00e9er un, deux, parfois trois personnages pour affronter des \u00e9pisodes racistes. C\u2019\u00e9tait sa mani\u00e8re de se dissocier.<\/p>\n
Que ce soit \u00e0 Paris, S\u00e3o Paulo, Brasilia ou en Afrique, les \u00e9changes d\u2019exp\u00e9riences et la r\u00e9flexion sur le genre et la race trouvent des points de convergence. Apr\u00e8s l\u2019avoir \u00e9cout\u00e9e, Yala, visiblement \u00e9mue et en qu\u00eate de mots, r\u00e9pond simplement : \u00ab Je suis tr\u00e8s touch\u00e9e, merci. \u00bb<\/p>\n
Traduit avec l\u2019aide de l\u2019intelligence artificielle.<\/em><\/strong><\/p>\n\n\n
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