Opinion – Djamila Ribeiro : Jalousie, rancune et moralité

Redação

14 de setembro de 2025

Publié initialement dans Folha de S. Paulo le 7 août 2025

Je suis à São Luís, capitale du Maranhão, logée dans un hôtel en bord de mer. C’est face à cette immensité que j’écris ce texte, mes pensées portées par les marées. Tout semble si petit face à l’océan.

Je cherche une manière de parler de la mer au féminin, comme le fait la langue française : la mer. Je m’inspire du candomblé brésilien, qui vénère Iemanjá, la mère des poissons et de toutes les têtes, matrice de l’écosystème des eaux salées, berceau de nombreuses formes de vie. Iemanjá est celle qui conseille, qui nous parle par le bruit des vagues et le bleu infini.

Je préfère la version française du mot mer, et je me surprends à réfléchir aux mots et à leurs genres, qui tantôt confirment, tantôt inversent des logiques. À cet égard, un mot que je trouve difficile à concevoir au féminin est jalousie.

Ce n’est pas que les femmes en soient exemptes, bien au contraire. Les discours qui les décrivent comme jalouses sont monnaie courante. Mais quand on comprend que les femmes, placées en position de désavantage social, doivent se battre pour accéder à des postes de pouvoir, il est logique que, lorsqu’une y parvient, d’autres l’envient — non pas par essence, mais parce qu’elles souhaiteraient être à sa place dans un contexte où les opportunités sont rares.

Freud disait que les femmes ressentaient l’envie du pénis. Beauvoir répondit des décennies plus tard que ce n’était pas du pénis lui-même, mais des privilèges qui l’accompagnent.

En tant que féministes, nous savons bien jusqu’où peut aller un homme lorsqu’il est frustré de ne pas obtenir ce qu’il désire — ou lorsqu’il ressent de la rancune face au bonheur d’une femme qu’il aurait voulu voir pleurer. Quand la femme est objet de possession, comme c’est le cas tous les jours au Brésil, la tragédie est imminente. Historiquement, les hommes ont tué, violé, saboté par jalousie. Et continuent de le faire.

Un autre mot, cette fois bien accordé au masculin dans la langue portugaise, est rancune — moteur puissant d’une frustration qui devient haine. Iemanjá revient à mon esprit et me rappelle les épreuves des femmes dans le monde du travail, lorsqu’un supérieur hiérarchique tente de les séduire et se heurte à un refus. Si cette femme est en couple ou s’intéresse à un autre homme du groupe, plusieurs sentiments émergent : la jalousie envers l’« élu », la rancune envers la femme qui l’a rejeté.

« Sois à moi ou tu ne seras à personne », comme on entend chaque jour. Dans le cadre professionnel — entreprise, administration, parti politique — même compétentes ou excellentes, les femmes subissent un véritable calvaire face à l’envie masculine. Sans pouvoir hiérarchique, elles ne peuvent réagir à la hauteur dans une structure patriarcale où les hommes sont avantagés d’emblée.

De plus, il est souvent difficile pour les femmes d’agir stratégiquement : les manœuvres de marginalisation sont subtiles, insidieuses, douloureuses. Difficiles à prouver, mais aisément perceptibles. À ce propos, harcèlement est un autre mot qui sied bien au masculin.

Les femmes en position de pouvoir font face à un autre scénario, que nous pourrons explorer dans un prochain texte. Mais il faut rappeler que toute analyse fondée sur les logiques de pouvoir part du principe que nul n’est totalement victime ou bourreau. Cependant, dans un système patriarcal (et raciste), les hommes disposent de multiples outils pour maintenir leur position dominante.

La corruption en est un, présente dès l’histoire d’Adam et Ève. Les hommes savent bien qu’ils ont des armes pour punir celles qui leur disent non quand ils attendent un oui, ou qui disent oui quand, selon eux, elles devraient dire non.

L’une des armes les plus anciennes du patriarcat est celle qui consiste à identifier et récompenser les femmes qui disent oui — au détriment de celles qui disent non. Des hommes, aussi médiocres soient-ils, mais puissants, s’entourent de femmes jeunes et belles, qu’ils « récompensent » par des postes obtenus par des raccourcis. Des postes, évidemment, toujours inférieurs au leur.

Il nous faut rester vigilantes face aux pièges du patriarcat et comprendre pourquoi certains hommes feront tout pour préserver un système qui pousse les femmes à se concurrencer entre elles.

La rivalité, au féminin, sonne ainsi comme un grand cynisme — qui, lui, illustre bien la conduite de nombreux hommes dans ce pays.

Contenu traduit avec l’aide de l’intelligence artificielle

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